L’île de Délos où, d’après le mythe, naquirent Apollon et Artémis, revêtait une importance religieuse particulière pour les Grecs de l’Antiquité. Dès l’époque archaïque, la maîtrise, réelle ou symbolique, de ses sanctuaires fit l’objet d’une intense compétition entre les cités de Naxos, Paros et Athènes. On peut aujourd’hui appréhender ces rivalités à travers les ruines des monuments qui y furent édifiés, dont un grand nombre de statues et leurs supports. À partir de l’époque classique et surtout pendant la période hellénistique, ce phénomène s’est intensifié et diversifié. Cités, rois, ligues, associations et particuliers ont cherché à associer leur nom et leur image à l’île sacrée, par piété et pour les besoins de leur « propagande ». Des centaines de portraits, pour la plupart en bronze (aujourd’hui disparus), ont ainsi été érigés dans les espaces publics (civiques et sacrés) et privés de l’île. Dans le cadre du projet « Eikon », l’étude du cas délien vise à reconstituer la vie des portraits dans ce contexte particulier. L’élaboration d’une base de données par Jean-Sébastien Gros mettra les informations à disposition en liaison avec le système d’information géographique (SIG) de Délos.
Frédéric Herbin s’est chargé, dans un premier temps, d’établir un inventaire des monuments in situ et erratiques inscrits et des vestiges statuaires relevant du portrait, afin d’étudier les pratiques du portrait à Délos et, le cas échéant, leurs re-contextualisations. Deux campagnes d’étude et de relevés sur site ont été programmées (une en 2013 et une en 2014) afin de rassembler la documentation nécessaire à cette étude. En effet, ce matériel (bases et fragments statuaires) est encore peu ou mal étudié, voire totalement inédit. Chaque statue, chaque base, chaque monument étant en soi un sujet d’étude en particulier, seule la multiplication des observations et des analyses pourra permettre de saisir tous les processus relatifs au portrait grec à Délos.
Le travail sur les bases s’accompagne aussi d’une étude systématique des sculptures conservées pour préciser leur contexte d’exposition. L’Agora des Italiens a été privilégiée dans un premier temps au vu de l’importance des portraits dans cet ensemble clos destiné à la représentation des Italiens à la fin de l’époque hellénistique. Malgré la publication du bâtiment par Lapalus en 1939 et la récente monographie de Monika Trümper, les fragments de statues de l’Agora n’ont jamais été regroupés en un inventaire raisonné. Ce travail de recoupement des informations et d’analyse des sources archivistiques (carnets de fouilles et inventaires) et imprimées, réalisé par Annick Fenet, touche également à l’histoire de la recherche archéologique menée dans l’île depuis 1877. À partir des données ainsi établies – autant que faire se peut dans la limite des témoignages existants –, François Queyrel reprend la question de l’exposition des portraits retrouvés dans leur contexte.